scrim

Enquête sur la conception et l’efficacité de la signalisation routière pour l’United States Bureau of Public Roads

abstract

Cet article propose une analyse comparative des éléments graphiques de la plupart des systèmes de signalisation routière du monde. L’étude, réalisée pour l'« United States Bureau of Public Roads » par John Lees et Melvin Forman, dresse un rapport historique de l’évolution de la signalisation implantée sur les autoroutes américaines (Canada, États-Unis, Mexique…), africaines et européennes (France, Grande-Bretagne…), à travers des signaux d’avertissement, de réglementation et de direction. Les auteurs affirment la nécessité de mettre en œuvre une révision et des méthodes uniformes pour la signalétique autoroutière.

In Charles PEIGNOT. « LANGAGE VISIBLE. Recherches typographiques. Une enquête sur la conception et l’efficacité de la signalisation routière. À propos de la signalisation urbaine et routière en France ». Arts et techniques graphiques, n° 84, mai/juin 1972, p. 39-62.

Ce texte1 rend compte d’une étude effectuée pour l’United States Bureau of Public Roads. Il comprend une analyse comparative des éléments graphiques de la plupart des systèmes de signalisation routière du monde. La forme, la couleur, les symboles, les pictogrammes et les messages écrits de signaux furent étudiés au moyen d’expériences de graphisme, de recherches de laboratoire et de tests. L’étude entreprise par une équipe de psychologues, d’ingénieurs, de graphistes, comprenait aussi un examen approfondi des travaux de recherche réalisés sur les signaux des grandes routes, les dispositifs de contrôle de la circulation et le graphisme des signes. L’introduction retrace l’histoire de la récente signalisation routière, et examine le traitement de l’information effectué par le conducteur.

Lorsque l’homme a commencé à se déplacer sur son domaine, la terre, il était guidé par la nature : les sentiers et les pistes suivaient souvent les contours du relief. Les traces d’animaux ou les cours d’eau, les odeurs et les bruits fournissaient les signaux d’avertissement. Une réglementation humaine n’était pas nécessaire. La Rome impériale établit des signaux routiers pour les voyageurs. Sous César-Auguste, les vingt-neuf voies militaires principales qui conduisaient de la cité aux avant-postes de l’Empire furent pourvues de bornes sur la première centaine de miles. Une loi établissant la mensuration obligatoire de ces itinéraires fut décrétée en 183 av. J.-C. Il fallut presque 200 ans pour qu’une borne standard devienne d’un usage général. Ni la circulation elle-même ni les signaux routiers ne connurent de changements importants au cours des dix-huit siècles suivants.

Les débuts de la signalétique routière aux États-Unis

La route principale entre New York et Philadelphie fut marquée de bornes dès 1745. Ces bornes étaient placées à intervalles de deux miles et aux croisements avec d’autres routes. L’introduction de services réguliers de diligences sur ces routes encouragea le développement des cartes qui indiquaient la distance entre deux points. Les meilleures d’entre elles furent établies par l’U.S. Post office Department.

Entre 1825 et 1850, le chemin de fer à vapeur devint un important moyen de communication d’un État à un autre et l’usage des routes diminua considérablement. Les problèmes de contrôle de la circulation sur les voies ferrées amenèrent l’introduction d’un ensemble particulier de signes et de signaux, qui ne concernait guère les problèmes de la circulation routière.

Vers la fin du xixe siècle, l’usage de la bicyclette se répandit très largement, et les cyclistes, dotés d’une grande volonté, firent pression pour obtenir de meilleures routes et de meilleures pistes cyclables. La création de nouvelles communautés et l’accroissement de la population dans les villes, en multipliant les échanges commerciaux et sociaux, encouragèrent le développement de réseaux routiers à la dimension des États.

Avec l’avènement de l’automobile, des problèmes qui pendant des siècles étaient considérés comme peu importants, presque comme des abstractions, devinrent complexes et urgents. Des réseaux locaux de routes furent intégrés aux systèmes réseaux routiers des états, ensuite s’établirent les liaisons inter-États. Le système de numéros et de noms de routes se développait lentement, mais la signalisation restait rare et sans unité.

Des organismes privés apportèrent leur contribution. Des clubs automobiles et des associations routières (formées pour promouvoir l’usage et l’amélioration de certaines routes) établirent souvent une signalisation pour les routes qui les intéressaient. L’automobile Club de Californie posa en 1907 des signaux dans un rayon de 250 km autour de San Francisco. Auparavant, en 1905, l’Automobile Club Buffalo avait placé des signaux dans sa section de l’État de New York. D’autres organismes privés, ayant des intérêts dans la circulation routière, se lancèrent aussi dans l’aventure. La B.F. Goodrich Company posa des signaux d’avertissement aux croisements avec les voies ferrées, et forma un service itinérant qui marqua les routes et publia des guides et des cartes tout comme Michelin le fit si bien en France. Les équipes de Goodrich, qui travaillaient à partir de New York, de Chicago et de San Francisco, posèrent ainsi chaque année, entre 1910 et 1920, des milliers de signaux. La Rand McNally Company, qui fabriquait des cartes à Chicago, non seulement encouragea à la signalisation des routes, mais paya des gens pour faire le travail. Les signaux consistaient en bandes de couleurs posées sur les poteaux de téléphone ; quand il n’y avait pas de poteaux de téléphone, on utilisait d’autres structures le long de la route. Le code de couleurs était pris sur les cartes.

Toutes ces associations routières et la présence d’intérêts commerciaux firent beaucoup pour aider le voyageur à s’orienter, mais leur multiplicité engendra la confusion. Les signaux avaient toutes sortes de dimensions, de couleurs et de formes. Souvent de longues sections de routes principales avaient plusieurs désignations différentes.

Une route ou un itinéraire de même désignation avait parfois plusieurs emplacements différents, ce qui augmentait la confusion : un promoteur de routes par exemple pouvait obtenir un soutien local de deux communautés situées près de la route proposée nord-sud. Si ces communautés étaient éloignées de plusieurs miles, il fallait faire deux routes, une pour chaque ville, et les deux routes avaient exactement le même nom, la même désignation. Le conducteur même expérimenté se trouvait souvent à des miles de l’endroit où il croyait être.

L’État de Wisconsin fut un pionner dans l’organisation des routes principales à l’intérieur de l’État. En 1918, les routes du Wisconsin furent marquées selon un plan systématique, des cartes les indiquèrent par un numéro. Le Wisconsin contribua aussi à la détermination de la forme du signe. La plupart des signaux étaient peints sur les poteaux de téléphone, ou fixés ou peints sur les édifices qui se trouvaient le long de la route. (Les compagnies propriétaires du téléphone n’autorisaient que la peinture, car des signaux fixés aux poteaux auraient gêné ceux qui devaient y grimper).

La peinture s’abîmait vite ; les poteaux, les barrières des ponts étaient souvent bien mal placés pour la visibilité. Le Wisconsin fut le premier État à utiliser les signaux en métal émaillé, supportés par des poteaux relativement légers.

De nombreux États suivirent l’exemple du Wisconsin, et en quelques années, ils étendirent les systèmes de numérotation, et établirent des signaux d’avertissement standard pour leur propre réseau routier. La phase suivante consistait évidemment à instaurer une signalisation commune aux différents États pour vaincre la confusion créée par les différents systèmes. En 1924, l’American Association of State Highway Officials favorisa la création d’un système complet de routes reliant les États, et l’application d’un schéma uniforme pour la désignation de ces routes, elle recommanda l’adoption des mêmes moyens de signalisation. À la même époque le Bureau of Public Roads devint une division de l’U.S. Department of Agriculture, et le secrétaire de l’Agriculture chargea une commission de faire ce travail.

Les recommandations de cette commission furent approuvées et un manuel des routes rurales publié en 1927. La Conférence nationale pour la sécurité des rues et des routes publia en 1929 un manuel concernant les rues des villes. En 1935, on réunit en un seul les deux manuels pour former le Manual on Uniform Traffic Control Devices (manuel de la signalisation uniforme sous contrôle de la circulation). Ce manuel fut revu à plusieurs reprises ; sa révision la plus récente date de 1960.

Les débuts de la signalisation routière en Europe

La plus grande partie de la signalisation européenne moderne trouve aussi son origine dans les travaux d’entreprises privées et de clubs automobiles. En 1909, eut lieu à Paris une convention sur la circulation internationale des véhicules à moteur. Il en résulta quatre signes avertissant des principaux dangers des routes de l’époque : protubérances, tournants, croisements de routes, croisements avec des voies ferrées avec ou sans passage à niveau. De nombreux pays approuvèrent cette convention, mais la signalisation, installée par des organismes privés avec l’aide de promoteurs commerciaux, fabricants d’automobiles, de pneus, ne dépendaient pas de la responsabilité du gouvernement.

Les promoteurs commerciaux voulurent utiliser les signaux comme des supports publicitaires, ce qui créa une grande confusion. La plupart des signaux ne comportaient pas d’éléments imagés, et ne pouvaient être lus que par ceux qui comprenaient la langue du pays.

En 1926 la Convention relative à la circulation motorisée établit un système uniforme de signaux : ce très modeste système ne préconisait que six pictogrammes pour les chaussées déformées et les virages ; il adopterait aussi le triangle comme signal international pour les indications de danger. Comme en Amérique, ces signaux étaient conçus pour la circulation en campagne et ne comprenaient pas les signaux de réglementation de la circulation urbaine.

La Société des Nations

Le Comité de la circulation de la Société des Nations instaura en 1928 un ensemble de signaux pour les villes. En 1931, la Convention pour l’unification des signaux routiers fut adoptée à Genève. D’après cette convention, le nombre des signaux était porté de 6 à 26, qui se divisaient en trois catégories : les signaux de danger, les signaux donnant des instructions définies, et les signaux donnant seulement les indications. En 1939, un Comité de la Société des Nations recommanda un certain nombre de perfectionnements de ce système, mais la Seconde Guerre mondiale empêcha leur mise en pratique.

Les Nations unies

Après la Seconde Guerre mondiale, les Nations unies proposèrent un nouveau protocole de la signalisation routière qui fut adopté en 1949. Ce protocole fixant plus de 50 signaux fut approuvé par 30 pays environ. Au cours des premières années 1950, un groupe d’experts des Nations unies fut constitué pour poursuivre l’étude du problème et recommander un système international qui tiendrait compte de tous les autres systèmes en vigueur. Ce groupe d’experts publia en 1953 un rapport qui ne reçut pas l’accueil espéré : dix années plus tard, deux pays européens seulement l’avaient approuvé. Le protocole de 1949 reste cependant la base de la plupart des systèmes de signalisation en vigueur aujourd’hui en Europe.

Les débuts de la signalisation routière en Grande-Bretagne

Le British Motor Car Act de 1903 attribuait aux autorités locales la responsabilité de la pose des signaux  d’avertissement ; ces derniers furent déterminés en 1904 ; seule la forme des signaux était spécifiée ; une exception pourtant : l’interdiction devait être indiquée par un disque rouge. Les indications de limitation de vitesse devaient s’inscrire dans un cercle, les avertissements dans un triangle, et tous les autres signes étaient en forme de losange. Les signaux devaient avoir 18 inches de diamètre, leur point le plus bas ne devait pas être situé à moins de 8 pieds du sol, et il fallait les dresser à 50 yards environ de ce qu’ils indiquaient. En dehors de ces précisions, les autorités locales avaient toute liberté d’action.

Des actes nationaux et des circulaires, en 1909, 1920, 1921 et 1923 montrent une évolution des normes britanniques. Trois années après la Convention de 1926 à Paris, la Grande-Bretagne ratifia l’accord, et pour la première fois de son histoire, adhéra à un accord international sur la signalisation routière. Certains des signaux décrits par la Convention de Genève de 1931 furent adoptés par la Grande-Bretagne, mais celle-ci ne donna pas son appui à l’ensemble de la Convention et continua à agir isolément, en créant en 1933 un Comité national.

De nombreux signaux furent enlevés en 1940 de peur de l’invasion. Un nouveau Comité fut formé et publia un rapport en 1944, qui ne recommandait aucun changement radical : les signaux posés après la guerre ressemblèrent beaucoup à ceux qui les avaient précédés.

En décembre 1961, un Comité présidé par Sir Walter Worboys fut nommé par le ministre des Transports pour réviser la signalisation de toutes les routes, y compris celles des zones urbaines, et pour déterminer les modifications nécessaires. Le Comité publia son rapport en 1963, la mise en pratique de ses recommandations commença en 1964, et devrait s’achever en 1972. Le système britannique actuel, un des plus modernes du monde, est fondé essentiellement sur le protocole des Nations unies de 1949.

Autres systèmes

Tous les autres systèmes actuellement en usage dans le monde se sont développés à partir des systèmes précédemment cités. En Afrique par exemple, les conférences de Johannesburg de 1937 et de 1970 adoptèrent des systèmes de signes issus des protocoles de Genève de 1926 et 1931. Dans l’hémisphère ouest, la plupart des systèmes se basent sur celui des États-Unis. Les systèmes canadien et mexicain, que nous examinerons plus loin, se sont développés à partir de ceux des États-Unis ou des Nations unies.

Les systèmes actuels, leurs traits communs et leurs divergences

Tout système de signes a ses particularités, et l’on n’en trouve pas deux rigoureusement semblables. On peut cependant les diviser en deux grands groupes fondés sur deux principes différents, dont l’un est particulièrement répandu aux États-Unis. Le système des États-Unis repose sur la transmission de messages écrits. Il est à remarquer cependant que quelques éléments imagés sont apparus par la suite. Cette tendance se développe, mais il semble qu’il y ait eu une réticence à utiliser l’image, sauf dans les cas où elle paraît être la mesure la plus sûre.

Le Canada a imité dans une large mesure le système des États-Unis. Avec quelques innovations, ou des emprunts à d’autres systèmes dans certains cas. Il utilise des pictogrammes pour les signaux de réglementation. Mais au moment où ces pictogrammes furent introduits ils étaient accompagnés de messages écrits. Parfois le message écrit et l’image différaient. Un signe disait par exemple en toutes lettres « Interdiction de tourner à gauche », tandis que l’image correspondante indique que l’on peut continuer tout droit ou tourner à droite. En d’autres termes, le message écrit est un message d’interdiction, tandis que l’image indique une autorisation.

Le système mexicain est étroitement lié aux recommandations du rapport des experts de 1953. Les signaux d’avertissement sont en général purement pictographiques ; les pictogrammes de réglementation sont en partie renforcés par des messages écrits. La plupart des pays européens utilisent des systèmes fondés sur les protocoles de 1949 des Nations unies. Les recommandations du groupe d’experts qui se réunit en 1952 et 1953 sont utilisées essentiellement à Mexico et dans le Middle East.

Dans la plupart des pays africains, les systèmes de signalisation sont fondés sur les protocoles de la Société des Nations de Genève (1931) modifiés par les conventions internationales de Johannesburg. Ces systèmes, qui accordent une très large part à l’image, reflètent la diversité des langues africaines, et aussi, par leur nombre réduit de signes, la relative simplicité des problèmes de la circulation en Afrique.

Le système britannique actuel est beaucoup plus complet et précis que ceux des autres pays, en particulier en ce qui concerne les signaux de renseignements. Il a établi des différenciations entre les signaux des autoroutes, des routes principales et secondaires, il utilise un code de couleurs qui les différencie et comprend des signaux-cartes routières pour certaines configurations des routes principales et pour les intersections. Dès son lancement, le système britannique fut le premier à solliciter l’aide et les avis de graphistes.

Signaux de réglementation

Aux États-Unis, les signaux de réglementation forment une seule catégorie. Dans d’autres systèmes, ils se divisent en deux groupes : interdiction et autorisation. La plupart de ces signaux sont rectangulaires aux États-Unis, tandis que d’autres systèmes utilisent la forme du cercle. Le système canadien adopte souvent un compromis : la forme circulaire est comprise dans un rectangle, et le pictogramme et le message écrit sont inclus sur le même panneau. Le signe rouge octogonal STOP est le seul signe octogonal aux États-Unis, et en fait le seul de tous les systèmes. C’est actuellement aussi le seul signe rouge aux États-Unis (bien que le projet d’introduction du signe SENS INTERDIT, et le signe rouge PRIORITÉ À DROITE puissent modifier cette situation).

Selon nos tests, et selon d’autres tests concernant la forme des signaux, l’octogone et le cercle sont plus souvent confondus que le cercle et le losange. Ce qui permettrait de faire du signe américain STOP un signal circulaire. Mais cette modification qui n’aurait pas d’influence sur la visibilité du signal — qui resterait unique dans le système américain — présenterait seulement l’avantage de l’homogénéité par rapport aux systèmes des autres pays. II n’est pas évident que le changement vaille l’effort qu’il demanderait (il est à noter que le signal en forme de losange pour les voies ferrées a été proposé indépendamment).

Les signaux STOP européens et britanniques placent le triangle à l’intérieur du cercle. Cette disposition présente quelques inconvénients. Lorsque le texte STOP est inclus dans le triangle, il est nécessairement petit et donc difficile à lire. Lorsque le texte dépasse les côtés du triangle comme dans le signal britannique, la forme du triangle n’est plus visible et perd donc son sens. Le signe jaune STOP des Nations unies (1953) part du signe octogonal des États-Unis. Le texte est en surimpression sur un pictogramme pour le croisement avec une route à grande circulation ; mais on ne distingue alors plus guère le pictogramme qui perd de sa signification et de son efficacité.

Le signal PRIORITÉ À DROITE, qui indique que le conducteur doit se préparer à stopper, est étroitement lié au signal STOP. Tous les systèmes du monde sont ici uniformes, tous ont choisi le triangle pointe tournée vers le bas. Il faut noter qu’en Europe et en Grande-Bretagne, la forme triangulaire est également utilisée pour le STOP.

Le signal SENS INTERDIT est du même ordre. Dans les systèmes européen et britannique, il a adopté la forme circulaire du STOP. Le système de 1953 des Nations unies se réfère davantage au pictogramme : il préconise la barre rouge en diagonale sur la flèche rouge « tout droit ». Aux États-Unis, c’est un message écrit sans lien logique avec les signaux STOP et PRIORITÉ À DROITE.

L’absence d’homogénéité de ces trois signaux dans le système des États-Unis pose quelques problèmes ; ils diffèrent de forme et de couleur, bien qu’ils demandent aux conducteurs des réponses à peu près semblables. L’introduction proposée du signal abstrait SENS INTERDIT constituerait une importante amélioration. L’utilisation du rouge, qui a été également proposée, pour le signal PRIORITÉ À DROITE, représenterait un autre progrès dans la cohérence visuelle.

Alors que les systèmes européen et britannique ont adopté la forme circulaire pour tous les signaux de réglementation, les États-Unis et les autres pays d’Amérique emploient le rectangle. Le rectangle convient mieux qu’un cercle à l’insertion d’un texte écrit, et la différence peut donc être considérée comme une conséquence de la dichotomie message écrit/pictogramme. La forme rectangulaire convient également bien à l’insertion de pictogrammes, et l’introduction d’un système davantage pictographique ne modifierait donc pas forcément la forme du signal.

Alors qu’aux États-Unis on s’appuie sur les messages écrits pour les signaux de réglementation, au Canada on emploie de plus en plus de pictogrammes. Pour ses plus récents signaux, le Canada a combiné le pictogramme, le cercle européen et le message écrit des États-Unis. L’usage de la bande circulaire de couleur est contestable du point de vue visuel. Cette bande réduit les dimensions du pictogramme et rend la forme confuse. Peut-être une bande plus large qui suivrait la forme du signal, en permettant une image plus grande sans diminuer la couleur, serait-elle préférable.

La couleur n’est pas utilisée aux États-Unis dans les signaux de réglementation alors qu’elle l’est dans tous les autres systèmes. Bien que la signification de la couleur n’ait pas encore été déterminée de façon précise, nous nous interrogeons sur son absence dans le système américain (la couleur est naturellement utilisée dans les villes pour le parking, mais son usage est gêné par la confusion de ces signaux et leur manque de cohérence avec les autres signaux de réglementation).

Le rouge est employé internationalement comme couleur d’interdiction. La bordure rouge est devenue familière aux conducteurs européens et elle est bien comprise. Pour insister encore, le groupe d’experts des Nations unies préconisait l’addition de la barre rouge en diagonale sur le pictogramme. Même les conducteurs les plus naïfs, qui auraient pu considérer la bordure rouge comme un élément décoratif, auraient eu l’attention attirée par cette barre rouge qui pouvait également aider les personnes distinguant difficilement le rouge du vert. Bien que les signaux d’interdiction ne constituent pas aux États-Unis une catégorie distincte, un certain nombre de signaux de contrôle de la circulation ont un caractère d’interdiction et gagneraient en efficacité avec un emploi judicieux de la couleur. Du point de vue visuel, les signaux rectangulaires noir sur blanc n’expriment aucun sentiment de l’urgence ou du caractère impératif de l’ordre. Ils doivent s’appuyer entièrement sur le message écrit, puisque ni leur forme, ni leur couleur ne transmettent d’information au conducteur. Des modifications récemment proposées amèneraient le système des États-Unis à un emploi plus large et plus efficace de la couleur. L’indécision persiste cependant quant au choix de la couleur pour chaque catégorie de signaux ou de messages.

Signaux d’avertissement

Le losange des États-Unis offre une surface qui convient aux pictogrammes et aux messages écrits très courts. La recherche a montré que le noir sur fond jaune est le plus efficace parce que le plus visible et le groupe d’experts des Nations unies le reconnaît en recommandant la forme et la couleur des signaux des États-Unis. Le système des États-Unis a utilisé pendant longtemps des pictogrammes pour les virages et les croisements. Il s’est cependant appuyé en général sur le message écrit. D’autres systèmes ont, au cours de leur histoire, recouru au triangle pour les signaux d’avertissement. Le triangle présente une forme bien différenciée, et il était probablement beaucoup plus efficace dans les systèmes très anciens lorsque sa seule forme abstraite signalait un danger. Il ne permet pas l’utilisation efficace de pictogrammes ou de messages écrits alors que le losange offre une meilleure surface et sa forme est alors tout aussi différenciée. Il semble donc qu’il y ait peu d’arguments pour la conservation de la forme triangulaire dans le système des États-Unis ; l’usage accru des pictogrammes en est cependant un sérieux.

Signaux de direction

Aux tout premiers débuts des systèmes de signalisation, seules des prescriptions très générales étaient édictées par les conventions ou les gouvernements. Pour le graphisme de base du signal, l’initiative était laissée aux juridictions locales. Mais par suite de la complication croissante de la circulation, tous les systèmes sont devenus beaucoup plus précis quant aux signaux d’avertissement et de réglementation. Les Britanniques ont apporté la même précision à leurs signaux de direction.

Le système des États-Unis marque les routes avec soin, mais par contre traite négligemment les signaux de direction. Ces signaux ont proliféré sans place d’ensemble — ce qui n’a pas accru l’efficacité du système. Les problèmes posés par les signaux de direction sont des problèmes de contenu et de graphisme. Les Britanniques l’ont bien compris en adoptant leur système précis. Nous ne sommes pas obligatoirement d’accord avec tout ce qu’ils ont fait — en particulier avec l’extension de leurs spécifications — mais nous croyons que dans ce domaine les principes pouvaient être adoptés aux U.S.A.

Le système britannique utilise au maximum la spécification des signaux-cartes. Le manuel donne des indications pour presque toutes les situations. Les spécifications concernent les routes principales et secondaires aussi bien que les autoroutes ; à chaque catégorie correspond un code de couleurs. Le manuel américain semble être le seul à ne pas spécifier les signaux de direction qui réunissent sur un même panneau les numéros de route et d’autres informations. Les manuels mexicain et canadien les indiquent, et bien qu’ils ne comportent pas de signaux-cartes, ils répondent mieux aux besoins des conducteurs.

Le traitement de l’information par le conducteur

Aux débuts de l’automobile, la « tâche » du conducteur était souvent plus physique que mentale ; l’automobile exigeait de l’homme la force nécessaire à la mise en route manuelle, au maniement du volant, au freinage. Après soixante années, les performances physiques exigées du conducteur sont maintenant à la portée de toute personne valide. Les recherches sur le processus de la conduite considèrent habituellement le conducteur comme un transformateur d’information, avec des possibilités physiques secondaires, utilisées dans l’intersection de l’environnement et du contrôle de la voiture. Le besoin d’information du conducteur naît des fonctions qu’il doit accomplir : suivre sa route, surveiller sa voiture, être attentif aux imprévus, contrôler son véhicule.

Bien que la « sortie » de ce système (perception de l’information — traitement — action) puisse être comprise et mesurée, il est difficile de déterminer quelle « entrée » est à l’origine de la sortie observée. Quelques chercheurs ont essayé de déterminer les éléments qui, dans le monde complexe de la route, de la circulation et de ses contrôles, ont provoqué les réactions du conducteur. La recherche récente s’est centrée sur la totalité de l’information visuelle que reçoit le conducteur lorsqu’il observe la route devant lui ; elle a abouti à un schéma de la perception et du traitement de l’information par le conducteur. Ce schéma définit une certaine densité d’information, un certain nombre de « bits » par unité de distance. Une section de routes avec beaucoup de virages ou de nombreux panneaux de signalisation contient une plus grande densité d’information. Plus la vitesse est grande, plus le nombre de « bits » à traiter par unité de temps est élevé. Le schéma définit donc les exigences du repérage visuel d’une route, où le taux minimum de repérage est lié à la densité d’information de la route et à la vitesse à laquelle elle est parcourue.

Si le conducteur ne regardait la route qu’à intervalles fixes, l’incertitude le gagnerait quant aux détails qui n’étaient pas perceptibles lors de sa dernière observation, et quant à l’endroit de la route où il se trouve. Si les intervalles entre ses observations (ses « instantanés ») étaient très longs, le taux de l’incertitude et la quantité d’informations à absorber à sa prochaine observation seraient plus élevés. Si la courte durée du moment d’observation était elle-même fixée, le conducteur serait incapable d’absorber le taux d’information imposé, et forcé de réduire le rythme auquel il doit traiter l’information. Il devrait donc limiter sa vitesse, de telle sorte que le taux d’information, produit de la densité d’information et de la vitesse, soit réduit en proportion. Le conducteur adopte ainsi une vitesse limitée selon ses possibilités de traitement de l’information. Il faut noter en passant qu’une technique expérimentale, basée sur ce repérage visuel, a été utilisée dans les quelques expériences décrites plus loin.

Le processus de repérage correspond à la « tâche normale » de la conduite. Au lieu de s’imposer de l’extérieur, il est contrôlé intérieurement. L’homme repère le courant constant de signaux qui atteignent son unité de mémoire centrale par l’intermédiaire des sens. Bien que toute attention sélective apparaisse au niveau des sens (par exemple la concentration du regard sur un signal), le contrôle est effectué par l’unité centrale qui fonctionne sans interruption et enregistre une par une les données sensorielles. Ce repérage est conditionnel, c’est-à-dire qu’il est basé sur les entrées précédentes. Si l’information qui vient des sens n’occupe pas à plein temps l’unité centrale, le conducteur utilise à d’autres choses les possibilités d’entrée en excès. S’il y a peu de virages ou peu de panneaux de signalisation sur une route, il ouvre sa radio ou regarde le paysage. Il peut aussi rêver ou somnoler pour réduire la capacité effective de l’unité centrale ; mais il accroît alors la possibilité de manquer un signal important.

Lorsque la tâche est très absorbante, la capacité de l’unité centrale s’accroît, mais une intensité d’attention trop forte provoque une surcharge et peut amener à manquer d’importantes entrées sensorielles. Lorsque le conducteur parvient au premier signal de sortie d’une route, sa capacité effective de traitement de l’information commence à tendre vers ses limites ; il cesse de regarder le paysage ou d’écouter la radio, et fixe toute sa capacité d’attention sur les signaux de contrôle de la circulation. La configuration de la route et une circulation particulièrement dense près de la sortie peuvent aussi imposer un accroissement énorme de la demande attentionnelle. L’unité centrale risque alors d’être surchargée et de ne pas traiter d’importantes informations. Un signal qui remplit habituellement toutes les exigences de lisibilité à distance (ou de la durée de l’observation calculée à partir de la vitesse du véhicule) peut ne pas être lisible dans ces circonstances. Inversement si les conducteurs parviennent à « lire » le signal, ce peut être au prix de difficultés de contrôle de leur véhicule, qui nuiront éventuellement à la fluidité de la circulation ou provoqueront même des collisions.

Cet examen du traitement de l’information et de son rôle dans la conduite mène à quelques observations sur le graphisme et l’utilisation des panneaux de signalisation. Lorsque la demande attentionnelle est réduite (comme sur des routes rapides en campagne), il faut prévenir à l’avance le conducteur lorsqu’il doit se brancher sur une plus grande capacité de traitement de l’information. L’attention du conducteur ne peut rester tendue sur les signaux de direction par exemple, si la fréquence en a été très faible. Si par contre, la demande attentionnelle à l’égard de ces signaux a été régulière tout au long de la route, on peut éviter le délai d’avertissement. Puisque l’enclenchement du processus attentionnel est conditionné par les entrées précédentes, il serait possible de fixer l’intervalle maximum entre les signaux : une minute, ou dix minutes de temps de conduite, cette durée dépendant de l’ampleur de la tâche de traitement au point de décision critique qui suit.

Lorsque la demande attentionnelle est très élevée (sur les routes rapides dans les zones urbaines par exemple), il faut fournir au conducteur des signaux qui transmettent l’information nécessaire avec le minimum d’indications parasites ; ces dernières peuvent provenir d’illogismes du graphisme, de la disposition, de la présentation. Si les messages « Metropolis », « Utopia », et « Sortie 29 » se présentent sur un seul signal, ils doivent être portés sur tout signal qui transmet cette information. Modifier l’ordre dans lequel ces trois messages se présentent sur les panneaux successifs, les disposer sur des fonds différents ou employer des caractères différents, justifier le texte à gauche au lieu de le centrer entraînent un nombre élevé d’informations parasites. Celles-ci doivent être perçues et traitées avant d’être triées et rejetées, ce qui impose au conducteur une surcharge attentionnelle, dans des conditions où il peut difficilement se le permettre. Les moyens à mettre en œuvre pour réduire l’information parasite sont la normalisation des panneaux et la réglementation des formes et des couleurs.

Rapport entre les signaux et la conduite

Les panneaux de signalisation ont pour rôle de dire au conducteur ce que la route ne lui dit pas, donc de réduire les possibilités d’erreur du véhicule. Améliorer au maximum uniquement le traitement peut ne pas améliorer le système de signalisation ; il faut faire entrer en ligne de compte le véhicule et l’action de conduire. Comme nous l’avons dit précédemment, l’action de conduire comporte le contrôle du véhicule sur la route à la suite de décisions basées en général sur le traitement des indices visuels. La signalisation d’une route donne à ce processus une direction et la possibilité de prévision. S’il en est ainsi, nous devrions tenir compte du fait que le but recherché est exclusivement un réflexe correct du véhicule. Comme les signaux ne parlent pas directement au véhicule, il semble donc normal que, pour le moment, ils disent au conducteur les gestes qu’il doit faire, et en annoncent les probabilités ou les urgences.

Que lui disent actuellement les panneaux de signalisation ? Parfois, ce que le véhicule doit ou peut faire ; parfois, ce qu’il doit ou peut attendre. Souvent les signaux mêlent ces informations, forçant le conducteur à un traitement supplémentaire pour sélectionner la réponse appropriée. Alors que les éléments graphiques des signaux devraient transmettre explicitement : a) les probabilités, b) l’action exigée ou c) la catégorie de conducteurs concernée.

Les indications de probabilités seraient par exemple utiles dans les signaux d’avertissement. Ceux-ci orientent l’attention du conducteur sur deux sortes de dangers : ceux qui se produisent d’une façon certaine (un cassis ou un virage) — en ce cas, le conducteur doit répondre correctement pour que son véhicule reste sur la route — et ceux dont les probabilités sont réduites, sans être nulles — par exemple, une « sortie de camions », ou « chute de pierres » — le conducteur peut avoir à répondre, mais souvent il n’a pas à le faire. Un élément graphique très reconnaissable, plutôt que le message dans son entier, devrait marquer la distinction entre ces deux catégories. La recherche peut indiquer s’il est souhaitable d’établir des distinctions entre les dangers de probabilités différentes. Le second type d’information, concernant l’action requise, est le précurseur logique de la route automatisée. La route automatisée communique des ordres directement au véhicule. Actuellement, le signal est le porte-parole de la route, et s’adresse au conducteur. Mais la transmission de l’information — en vue d’obtenir du véhicule la réponse appropriée — pourrait s’effectuer avec plus d’efficacité si les codes du message étaient davantage liés aux actions de contrôle souhaitées. Le message ne se réfère pas à une gamme d’actions très étendue : le conducteur contrôle son véhicule par l’intermédiaire de quelques entrées d’information seulement. Les pieds contrôlent la position et la signalisation longitudinales du véhicule, tandis que les mains contrôlent sa position et sa signalisation latérales.

Les signes STOP, PRIORITÉ À DROITE, VITESSE maximum, minimum, recommandée, demandent tous au conducteur de faire usage du pied, sur le frein ou l’accélérateur ; ils devraient donc avoir un élément graphique commun. Selon l’argumentation précédente, les signes STOP et PRIORITÉ À DROITE pourraient contenir pourtant des messages de probabilité différente. Les bornes de balisage, les bandes du bord de la chaussée, le signe TOURNER À GAUCHE ou l’indication d’une courbe, exigeant une action sur le volant, devraient se différencier par un message indiquant cette seconde catégorie d’action.

Le troisième type d’information, qui se réfère à la catégorie d’usagers concernée, devrait tenir compte du fait que tous les signaux ne s’adressent pas à tous. Demander que le conducteur d’une voiture de tourisme traite l’information d’un message destiné uniquement aux camions, ou aux cyclistes, ou aux motocyclistes, diminue l’impact de tous les signaux. Au contraire, établir une série de signes s’adressant à une seule catégorie d’usagers présente deux avantages : on atteint le public souhaité avec plus d’efficacité, et l’on permet aux autres usagers de la route de se concentrer sur les messages qui les concernent.

Les expériences

Forme

Tous les systèmes de signalisation routière du monde utilisent des formes particulières pour des signaux déterminés ou pour certains types de signaux. Dans le système américain par exemple, l’octogone est réservé au signal STOP alors que le triangle équilatéral avec une pointe en bas est réservé au signal PRIORITÉ À DROITE. Le losange est utilisé pour les signaux d’avertissement et le rectangle pour les signaux de réglementation, le côté le plus long du rectangle est vertical, dans les signaux de direction, il est généralement horizontal. Le cercle, très largement utilisé dans d’autres systèmes, ne sert que pour la signalisation éloignée de passage à niveau et l’indication des routes d’évacuation de la défense civile.

Au laboratoire, 14 formes furent testées Fig. 1. Une trentaine d’observateurs se prêtèrent aux expériences, chacun pour dix séances quotidiennes au moins. Chaque séance durait deux heures pendant lesquelles le sujet était soumis à la présentation de 80 stimuli tachystoscopiques. (La durée des expositions était de 15, 20, 25 et 30 millisecondes). La présentation de chaque stimulus était précédée et suivie d’un masque de parasites visuels d’une énergie légèrement supérieure.

Chaque observateur devait dire quel signal était apparu dans une épreuve donnée, et indiquer un taux de certitude par un chiffre allant de 1 à 4. Les observateurs disposaient d’une feuille de réponse pour enregistrer les résultats, et d’un exemplaire de tous les signaux utilisés. Il leur était demandé de répondre à la totalité des épreuves.

Résultats : les formes qui se révélèrent les plus distinctes et les plus faciles à identifier, à la fois en projection positive et en projection négative, furent les formes ayant les angles les plus aigus : le triangle et le trapèze. Les figures avec des angles obtus, octogone, pentagone, carré et losange, de même que le cercle, donnèrent de moins bons résultats. Lorsque les résultats furent analysés pour comparer les présentations positives et négatives, la supériorité des positives (figures noires sur fonds blancs) apparut très nettement, et cela pour toutes les formes examinées.

Flèches

Les flèches sont, naturellement, très significatives dans les panneaux de contrôle de la circulation. Différents types de flèches sont utilisés dans les différents systèmes et leurs variantes. L’étude porta sur sept types Fig. 2. Chaque présentation était constituée par un des sept types de flèches, orientées dans une des directions fondamentales en haut, en bas, à droite ou à gauche. Les observateurs devaient indiquer la direction de la flèche et cette fois encore, évaluer par un chiffre allant de 1 à 4 leur degré de certitude, de « très sûr » à « très incertain ». Les durées d’exposition variaient.

Résultats : La flèche de type 1 se révéla nettement supérieure à tous les autres. Visuellement elle apporte une indication directionnelle non seulement par sa pointe, mais aussi par sa forme fuselée, ce qui réduit le traitement de l’image imposé à l’observateur. Les expériences montrèrent aussi que les flèches orientées verticalement étaient plus faciles à reconnaître que les flèches horizontales.

Reconnaissance des formes colorées

La couleur joue un rôle très important dans tous les systèmes de signalisation. La reconnaissance des formes en fonction de la couleur fit l’objet d’une série d’expériences. Dix à quatorze formes utilisées pour le test des formes Fig. 1 furent retenues pour ce test où des groupes de trente formes colorées au hasard en rouge, jaune, bleu et vert (les couleurs les plus souvent utilisées dans les différents systèmes des signalisation) furent présentées aux observateurs. On demandait à ceux-ci quelle forme, choisie parmi les dix, était apparue dans une épreuve donnée, en même temps que le degré de certitude de leur réponse.

Résultats : Les expérimentateurs découvrirent que l’introduction de la couleur n’avait pas grande influence sur la reconnaissance des formes.

La même série d’expériences fut reprise, avec une différence : on demandait aux observateurs d’identifier la couleur au lieu de la forme.

Résultats : Les tests indiquèrent un taux élevé d’identification du jaune pour des durées d’exposition très brèves (15 millisecondes) décroissant rapidement pour les durées d’exposition plus longues et croissant à nouveau pour les durées encore plus longues. Par contre, l’identification du rouge, du bleu et du vert variait de façon très cohérente. Les limites du programme d’expérimentation prévu ne permettaient pas une étude plus approfondie des curieuses réactions au jaune. Il faut se souvenir que les observateurs devaient choisir entre un nombre précis de réponses. Il est possible que pour les expositions très brèves, lorsque les observateurs n’avaient « rien » vu, ils aient choisi le jaune comme étant la plus vraisemblable des quatre couleurs.

Signaux de direction

Les signaux de direction et d’information sont des éléments très importants dans tous les systèmes de signalisation. Les expériences permirent de distinguer deux modes principaux de « lecture » des signaux : la recherche et la découverte. Dans une situation de recherche, l’observateur se rapproche d’un point de décision (par exemple d’un carrefour) avec une destination précise en tête. Espérant trouver cette destination sur le signal, il scrute les mots portés sur le signal pour trouver ce qu’il cherche. Dans une situation de « découverte », l’observateur n’a pas de destination bien définie ou ne s’attend pas à la trouver sur le signal. Il doit donc « découvrir » quelle destination correspond à chaque direction, ensuite, ayant trouvé la destination qui correspond le mieux à sa propre destination finale, il saura comment s’orienter.

Recherches d’une destination donnée

Trois noms de destination figurant sur un jeu de signaux de direction furent utilisés pour cette série d’expériences Fig. 3. Une destination allait à droite, une autre à gauche, et la troisième tout droit. N’importe laquelle des destinations pouvait correspondre à n’importe quelle direction. Les flèches indiquant les directions étaient placées soit toutes à droite des noms, soit toutes à gauche, soit alternées. Les signaux étaient parallèles à ceux des tests de « recherche ». La position des flèches à droite des noms se montra inférieure à la position à gauche ou à la position alternée, cette dernière étant légèrement préférable à la position à gauche. Comme dans la série précédente, les légendes positives sur fond négatif se révélèrent de beaucoup supérieures à leurs contreparties négatives. À nouveau la meilleure « efficacité » fut attribuée à la position médiane sur le signal, et la direction « tout droit » fut la plus facile à identifier.

Pictogrammes

L’étude n’a pas entrepris de comparer les pictogrammes aux messages écrits. Elle a cependant essayé de découvrir parmi une série importante de pictogrammes lesquels étaient le plus facilement indentifiables. Une série de 44 pictogrammes couramment utilisés servirent de stimuli Fig. 4. On donna aux observateurs une liste de propositions de significations parmi lesquelles ils avaient à choisir.

Dans une seconde série d’expériences, on demanda aux observateurs de répondre à chaque stimulus dans leurs termes propres. Les résultats furent répartis en quatre catégories : parfaitement correct, dans l’ensemble, inadéquat et contradictoire. Il est intéressant de noter que, bien que le pictogramme indiquant un « passage d’enfants » fût difficile à identifier, sa signification était extrêmement claire. Les résultats des deux séries de tests furent schématisés comme l’indique la Fig. 5.

Selon ce diagramme de classement, les meilleurs pictogrammes sont : la chute de pierres, la route glissante, le signal « tout droit », l’avion, le passage de bétail, le passage pour piétons, les moutons, le klaxon, l’éléphant et le passage d’enfants.

Les plus mauvais, d’après ce schéma, sont : la pompe à essence, le passage interdit, le chapeau de policier, l’auberge de jeunesse, la fourchette et la cuillère, le pont tournant, la tente, la clé anglaise, la pente, le bord de rivière, les premiers secours, l’autobus, le téléphone et la remorque.

Signes choisis au laboratoire

Toutes les expériences mentionnées précédemment utilisaient des éléments graphiques de base, dans leurs formes les plus simples et les plus pures. Les tests furent amenés à un autre niveau avec une série d’expériences portant sur dix signaux choisis parmi ceux qu’utilisent le système américain et d’autres systèmes Fig. 6. Ces signaux furent testés au laboratoire et sur une route témoin spéciale.

Au laboratoire, on remit aux observateurs des feuilles sur lesquelles étaient portés tous les signaux devant servir aux tests. On leur demanda, après chaque présentation, d’identifier le signal qui avait été projeté. Comme dans tous les tests précédents, ils devaient indiquer également le niveau de leur certitude.

Les mêmes signaux furent testés sur une route témoin, avec une voiture le plus possible conforme à la voiture « moyenne » américaine. Le trajet lui-même était un trajet de course automobile dans le New Hampshire, considéré comme un bon exemple de route de collines, étroite et sinueuse, qui exige beaucoup du conducteur moyen.

Les conducteurs-observateurs furent munis de masques à l’écran translucide. Cet appareil réduit considérablement le montant d’information visuelle qu’un conducteur peut traiter par unité de temps, et apporte un certain taux d’information parasite. Les tests de traitement de l’information furent effectués sur tout le trajet à la vitesse de conduite maximum, ce qui permettait un contrôle plus étroit, et un plus grand nombre de stimuli sur une distance relativement courte du trajet.

Les signaux testés étaient de dimensions standard, portés à des hauteurs standard au-dessus de la route. On demanda aux observateurs de mémoriser les signaux devant être testés, et lorsqu’ils s’approchaient d’eux sur la route, de les signaler à l’expérimentateur assis dans la voiture.

Résultats : L’identification relative des signaux est différente dans les tests de laboratoire et dans les tests sur la route. En les divisant en trois grandes catégories, nous pouvons les résumer ainsi :

  • Les signaux obtenant une identification supérieure avec les tests sur route sont les n° 3, 6, 9 et avec les tests en laboratoire, les n° 2, 7 et 10.

  • Les signaux obtenant une identification moyenne avec les tests sur route sont les n° 1, 5, 7 et avec les tests en laboratoire, les n° 1, 3 et 8

  • Les signaux obtenant une identification inférieure avec les tests sur route sont les n° 2, 4, 8, 10 et avec les tests en laboratoire, les n° 4, 5, 6 et 9.

Conclusions

Le programme de recherche allait bien au-delà des tests de signaux et d’éléments de base. Il comprenait une vaste recherche de textes abordant ces questions et un certain nombre d’expérimentations sur le graphisme. Ces efforts, et les tests que nous avons mentionnés, ont conduit à quelques conclusions générales, ont soulevé de nombreuses questions et suggéré quelques voies pour la recherche ultérieure.

  1. Signaux d’avertissement : Parmi les couleurs et les formes utilisées dans les différents systèmes pour les signaux d’avertissement, le losange jaune paraît être moins efficace avec un message écrit qu’avec un pictogramme. En même temps, le losange est une forme bien meilleure que le triangle, utilisé dans la plupart des systèmes étrangers.

  2. Signaux de réglementation : Les signaux de réglementation américains sont souvent étriqués et maladroits. Le rectangle placé à la verticale est très limité quant à la présentation du message. Cependant, si les messages écrits étaient remplacés par des pictogrammes, les problèmes seraient moindres, car le rectangle convient bien aux pictogrammes. Mais les pictogrammes ne peuvent remplacer entièrement les mots, des messages écrits seront toujours nécessaires. Les problèmes d’alphabet sont assez considérables pour faire l’objet d’un chapitre spécial du rapport, et le lecteur trouvera leur examen ci-dessous.

  3. Signaux de direction : Les problèmes d’alphabet se posent surtout pour les signaux de direction et pour les signaux de réglementation. De plus, le système américain pose de nombreuses questions ayant trait à la disposition générale des éléments du signal et à la présentation .de chacun de ces éléments. Par exemple, de nombreuses indications d’itinéraire sont maladroites, et l’on remarque l’absence de signaux de type cartes routières et de diagrammes, qui se sont montrés très efficaces dans d’autres systèmes.

Quantité de recherches ont porté sur la lisibilité et le lettrage. On sait que de nombreux facteurs ont leur influence : la chasse des caractères, l’épaisseur du trait, l’emplacement entre les lettres, la proximité des bords et d’autres messages, le contraste entre les couleurs, les différences, tous ces éléments agissent sur la lisibilité. Et leur interaction influence la lisibilité d’une façon différente de l’action propre de chaque élément. Les conclusions auxquelles on est parvenu à la suite de l’étude des éléments séparés ont donc varié lorsque ces éléments ont été examinés en combinaison.

Par exemple, un chercheur a découvert que le meilleur rapport de l’épaisseur du trait à l’œil était de 1:8 pour les lettres blanches sur fond noir, et de 1:13 pour les lettres noires sur fond blanc. Dans les alphabets spécifiés comme Standards US, l’épaisseur du trait varie selon la chasse du caractère (le rapport des séries US du E par exemple est de 1:6, et c’est aussi celui qu’utilise le ministère des Transports en Angleterre). Mais il n’y a pas de différences prévues pour les présentations en négatif.

On a découvert que la lisibilité pouvait être améliorée lorsqu’on accroît l’espacement entre les lettres. Une étude a constaté par exemple que pour certains signaux américains, on obtenait une lisibilité maximum en accroissant de 40 % l’espacement normal. Cependant, avec le même espacement, l’accroissement du corps améliore encore plus la lisibilité.

Par conséquent, si l’espacement entre les lettres est important, le corps des caractères reste le facteur primordial.

La lisibilité de lettres d’un corps donné peut être aussi améliorée en augmentant l’espace entre le message et le bord du signal. Cependant, dans ce cas aussi, l’amélioration est plus importante si l’on accroît le corps en réduisant la largeur de la marge. On a constaté qu’il n’était pas nécessaire que la largeur de la marge soit plus importante que l’épaisseur du trait pour les lettres noires sur fond blanc. Le ministère des Transports britannique a trouvé que la lisibilité optimale résultait d’un espace entre les mots et entre le message et le bord du signal égal à la largeur de deux épaisseurs de traits.

La question de la lisibilité se pose aussi à propos du choix entre capitales et bas-de-casse. On a dit que les bas-de-casse (avec des initiales en capitales) sont meilleures que les capitales pour les signaux de direction, parce que les longues du haut et du bas (comme b ou y) donnent à un nom une forme caractéristique qui facilite l’identification. Le British Road Research Laboratory a entrepris un certain nombre d’expériences comprenant des comparaisons entre capitales et bas-de-casse et en a finalement conclu que les différences entre de bons exemples de capitales et de bas-de-casse sont négligeables. Ces expériences utilisaient des signes d’égale surface, l’œil des bas-de-casse représentant approximativement les trois quarts de l’œil des capitales.

La lisibilité peut aussi dépendre de détails du caractère. Le British Road Research Laboratory a suggéré que les lettres à empattement pourraient être plus lisibles que les lettres sans empattement normalement utilisées pour les signaux routiers. Son rapport indique cependant que l’avantage, s’il y en a un, est de peu d’importance. On pourrait cependant l’accroître en accentuant les traits distinctifs des lettres, par exemple en exagérant la barre horizontale d’un G pour le distinguer d’un C. Mais il est douteux qu’on puisse le faire d’une manière qui serait esthétiquement acceptable.

Les alphabets américains

Nous avons dit que le système américain présente de nombreuses faiblesses et fait peu de cas des recherches en cours. Par exemple, le Manual on Uniform Traffic Control Devices dit que l’on peut obtenir une lisibilité meilleure en espaçant les lettres qu’en utilisant des lettres plus larges ou plus hautes avec un espacement réduit. Comme nous l’avons dit précédemment, ce n’est pas toujours vrai Fig. 7.

Les spécifications d’espacement pour les alphabets standard sont très complexes, et créent sans nécessité la confusion.

Un système meilleur déterminerait l’espace en fonction du panneau sur lequel est porté le message. C’est la méthode utilisée par le British Traffic Signs Manual qui fournit ainsi un moyen très simplifié de répartir correctement les mots.

Dans le système américain, il y a peu de liens entre les alphabets bas-de-casse et les alphabets de capitales. À tout alphabet de capitales devrait correspondre un alphabet bas-de-casse particulier (alors qu’actuellement le système américain contient plusieurs alphabets de capitales de chasses différentes, et un seul alphabet de bas-de-casse pour les accompagner). Les standards américains exigeraient des travaux sur l’espacement entre les mots, entre les lignes, et les alphabets de capitales et de bas-de-casse.

Révision du graphisme

Il est sans doute clair d’après le contenu de ce rapport — et aussi d’après son volume — et d’après le travail d’autres chercheurs, que les problèmes de graphisme des signaux routiers sont nombreux et complexes, et qu’ils ne peuvent pas tous être résolus actuellement. Ce qui est clair maintenant, c’est qu’il est nécessaire de mettre en œuvre des méthodes uniformes de révision du graphisme. Pour être efficaces, celles-ci devraient non seulement comprendre l’étude de propositions de nouveaux signaux, mais aussi s’attacher à de nouveaux examens des signaux existants. Idéalement, ces méthodes seraient simples, peu coûteuses et exécutables à un niveau local — en utilisant par exemple les services des universités d’État ou de conseillers locaux. Vraisemblablement, ce n’est pas possible pour le moment ; et cela n’apporterait pas l’uniformité nécessaire au niveau du pays dans son entier. L’examen des signaux proposés pourrait aussi être fait par des organismes centralisés, ou contrôlés et dirigés à partir d’un centre. Cette fonction conviendrait au National Safety Research Center. Les parties intéressées seraient alors encouragées à soumettre des problèmes et à proposer des solutions. Cette politique assurerait que les évaluations se feraient à l’intérieur du système de signalisation uniforme alors en cours. Nous avons insisté sur ce point : une vue d’ensemble d’un système est nécessaire pour éviter la prolifération de graphismes, qui, efficaces pour des problèmes régionaux, serait en contradiction avec l’ensemble du système actuel.


  1. Ce texte est extrait de « An Investigation of the Design and Performance of Traffic Control Devices » (Document n° PB-182-534 rédigé en 1970) qui donne une information statistique complète sur les expériences réalisées, et une bibliographie importante sur les recherches qui s’y réfèrent. Le rapport complet contient aussi un examen détaillé des problèmes posés par le graphisme des signaux dans les zones urbaines. Des exemplaires sont disponibles au prix de 3 $ à la Clearinghouse for Federal Scientific and Technical Information, 5285 Port Royal Road, Springfield, Virginia, U.S.A. 22151.↩︎