Introduction
Le 31 Mai 1979 s’ouvrait au Centre Pompidou l’exposition Paris-Moscou. Destinée à faire découvrir au grand public les différents aspects de la vie culturelle et des échanges artistiques noués entre la France et la Russie des années 1900 à 1930, cette exposition fut retentissante pour de nombreuses raisons1. Dirigée par Pontus Hulten et troisième volet de la série des Paris, Paris-Moscou s’inscrit dans la tradition d’un type d’exposition débutée dès l’année d’ouverture du Centre au public et qui met en évidence la vocation interdisciplinaire à l’origine de sa création2. L’exposition est commune à l’ensemble des départements du centre : le MNAM, la BPI, l’IRCAM et le CCI participent tous à sa constitution. Un grand nombre d’objets issus de domaines hétérogènes sont exposés ensemble dans un même espace muséal, celui de la Grande galerie située au cinquième étage du Centre. Les traditionnels arts plastiques côtoient la littérature, le théâtre, l’audiovisuel, les affiches, et même la danse dans un ensemble de plus de deux mille cinq cents œuvres et documents. Ce mélange des genres est à l’époque une véritable nouveauté3, et les collections montrées à cette occasion seront une découverte pour la majorité du public. Malgré certaines dissidences, le succès de Paris-Moscou sera sans appel : au total 425 013 visiteurs viendront la visiter jusqu’à sa clôture le 5 novembre 1979. Cette exposition fait date dans l’histoire du Centre Pompidou, et son catalogue jouit d’une forte reconnaissance dans le monde de l’art. Dans l’idée d’un véritable échange interculturel, l’exposition sera montrée à Moscou en 1981 sous le titre Moscou-Paris.
La période et les enjeux couverts par Paris-Moscou invitent à considérer l’aspect politique de la vie en Russie à cette époque4. Dans ce contexte, la production d’affiches russes, supports par excellence de la propagande révolutionnaire, est exposée dans plusieurs parties de l’exposition. S’élevant au-dessus des cimaises de l’exposition, une grande partie de ces affiches est accrochée au plafond, encadrée de marges blanches pour empêcher la complexe architecture du Centre de gêner leur lecture. Quelques-unes se retrouvent aussi sur les traditionnelles cimaises blanches destinées à l’accrochage, à l’intérieur d’un petit nombre de décors inspirés du principe des period-room5. Mais un tout autre dispositif permet d’admirer de plus près certaines affiches : il s’agit de kiosques mobiles que le visiteur a la possibilité de manipuler.
Il y a cinq exemplaires de ces kiosques à l’allure particulière dans le parcours de l’exposition (Fig. 1), et rien ne semble renseigner leur origine ou leur auteur6. Pourtant, quelque chose dans leur structure singulière intrigue et laisse penser qu’ils ne sont pas de simples dispositifs de présentation réalisés dans le même esprit qu’une vitrine neutre. Ces kiosques offrent en effet un dialogue formel intéressant avec les objets présents dans l’exposition et semblent indiquer au visiteur la tonalité du message que sous-tend Paris-Moscou. Cette observation a été le point d’origine de cet article qui prend la forme d’une minutieuse enquête historique mettant à profit les archives du Centre Pompidou et la consultation de la première édition du catalogue ainsi que de sa réédition, afin de retracer l’histoire de ces dispositifs intrigants. Il s’agit alors de se demander comment un dispositif d’accrochage peut-il être mis au service du discours porté par son exposition, et quel est alors son statut.
Le discours porté par Paris-Moscou
Une exposition est construite, en amont de sa mise en place, sur la base d’un discours conceptuel : c’est-à-dire un message qu’elle et sa scénographie incarnent à l’intention du visiteur. C’est ce message qui guide les acteurs de l’exposition dans la construction globale de cette dernière, du choix de ses expôts7 à la forme adoptée pour sa scénographie, jusqu’au type de contenu et au ton employé pour ses textes informatifs. Or la série des * Paris* veut proposer une synthèse des échanges culturels qui ont marqué la modernité8. Il faut donc que leur corpus d’œuvre et sa mise en scène donne à voir le « foisonnement de forces créatrices9 » issu du dialogue entre les deux cultures mises en parallèle. Il s’agit d’exposer la façon dont leur influence réciproque a agi sur les productions artistiques d’une période donnée. Néanmoins ce discours est doublé par le message spécifique que véhicule Paris-Moscou elle-même, au regard du pays et de la temporalité particulière qu’elle choisissait d’illustrer. Les années de 1900 à 1930 marquent une période de transition et de métamorphoses politiques, sociales et culturelles exceptionnelles pour la Russie. En trente ans, le régime tsariste est évacué par la révolution communiste, elle-même détournée par la dictature stalinienne. La production artistique, témoin et acteur dans les bouleversements du pays, sera aussi prolifique que novatrice dans le décor révolutionnaire. À la vue de l’importante partie consacrée à ces problématiques au sein du parcours d’exposition (Fig. 2), il semble que le discours de Paris-Moscou se constitue principalement autour des façons dont la révolution modula le cadre de vie des habitants de Russie et les pratiques artistiques du pays, et, de ce fait, la nature des échanges entre la France et ce dernier. Il s’agit ici de suivre l’histoire de ces kiosques dans leur intégration à l’exposition, afin de comprendre le rôle qui leur fut assigné dans le cadre d’un récit plus global, et les mécanismes muséographiques ayant permis de le faire.
Donner corps au contexte
Bien que de prime abord rien n’indique au visiteur la provenance ou l’auteur des kiosques, et qu’on ignore de ce fait tout de leur statut originel10, il semble que, par leur esthétique particulière, ils participent sciemment à la mise en scène du discours de Paris-Moscou.
Comme le souligne Sandra Sunier, historienne de l’art spécialisée en muséographie11, dans son article « Le scénario d’une exposition », qui s’intéresse au travail de conceptualisation et scénarisation précédant la mise en place d’une exposition, tout objet peut «s’inscrire dans un processus de production discursive, y compris les faux, les copies, les modèles […]12 ». Dans le cas d’expositions comme Paris-Moscou, qui veulent donner à voir la conséquence d’un événement historique sur un ensemble de productions hétérogènes, ce qui va déterminer les objets qu’on intègre au sein de l’institution muséale n’est pas tant leur valeur financière ou leur qualité, mais surtout « le système d’idées auquel on décide ou non de [les] intégrer13 » afin de construire le propos de l’exposition.
Ce système correspond par exemple au message qu’on délivre en consacrant, au sein de l’exposition, un espace défini à un ensemble d’objets pour ce que leur réunion peut signifier au visiteur dans le développement de la trame narrative. Tel est le cas de la salle où se trouvent les premiers kiosques et qui est consacrée à l’agitprop, c’est-à-dire l’art de propagande révolutionnaire14. La forme circulaire de cette dernière évoque une place. Elle est délimitée par des vitrines présentant des fenêtres ROSTA15. Ces vitrines sont directement inspirées de celles des magasins russes laissés vides durant la guerre de 14-18 et qui servaient de présentoir à ces affiches d’un genre particulier. La mise en scène offerte par la place agitprop semble vouloir restituer quelque chose du décor urbain russe de l’époque révolutionnaire.
Les kiosques, dont l’esthétique particulière (Fig. 1) est signifiante, pourraient avoir été utilisés dans cette même idée d’évoquer le décor original du contexte incarné par l’exposition. Seraient-ils, de ce fait, des reconstitutions d’objets ayant réellement existé durant cette période, ou alors eux aussi des « créations librement inspirées de …16 » ? Revêtent-ils uniquement cette fonction illustrative dans le récit de Paris-Moscou ?
Un statut prêté à l’objet
De prime abord, les kiosques sont avant tout perçus par le visiteur en tant que supports d’accrochage des affiches. Aucun socle et aucun cartel ne mentionne leur auteur ou leur origine, tandis que les affiches qu’ils présentent sont parfois augmentées d’une étiquette explicative mettant en lumière leur statut d’expôt. Les kiosques sont introduits au sein de l’exposition comme de simple dispositifs de présentation anonymes. Néanmoins, en observant les vues des salles réalisées par le photographe Jacques Faujour, en interrogeant quelques acteurs de l’exposition et en consultant les éditions de son catalogue, il apparaît que ces derniers ont été réalisés à partir d’une esquisse produite en 1920 par l’artiste constructiviste letton Gustave Klutsis. Or rien ne met en évidence leur présence en tant que reconstitution d’une authentique œuvre de l’époque révolutionnaire russe : est-ce dû au fait que les kiosques sont une construction fabriquée à partir du dessin de l’artiste et non pas d’un objet que ce dernier aurait réalisé lui-même et qui aurait ensuite été pris pour modèle ? Est-ce parce qu’il s’agit d’un mobilier destiné à un usage précis, soit une œuvre utilitaire et non pas une œuvre d’art17?
Ces critères ne peuvent cependant suffire à expliquer l’anonymat des kiosques, car le Monument à la Troisième-internationale, qui est exposé sur la même place que ces derniers, est lui aussi une reconstitution d’après dessin d’un projet d’art appliqué, bien qu’ayant pour sa part un fort caractère symbolique18. Or ce dernier trône au milieu de la place agitprop sur un socle qui porte son titre et indique au visiteur l’identité de son artiste d’origine. Plus encore, il s’y trouve illuminé par des spots lumineux qui attirent le regard du spectateur (Fig. 3). Le statut perçu par les visiteurs concernant ces deux objets — les kiosques et la Tour Tatline — est absolument différent au cœur de l’exposition, alors qu’ils consistent tous les deux en la reconstitution d’un objet d’après dessin. Cette spécificité scénographique adoptée pour les kiosques est donc un choix des acteurs de l’exposition. Mais quelles en sont les motivations ?
Si la notice d’œuvre pour la Tour Tatline19 explique clairement qu’il s’agit d’une reconstitution d’après les schémas de l’Institut National d’études, rien n’indique dans le catalogue le processus ayant permis de produire les kiosques, qui y sont nommés « présentoirs à affiches » et apparaissent seulement dans l’encart des reconstitutions. D’après le témoignage de Jean-Luc Heymann, réalisateur des kiosques, il apparaît que leur origine est bien une illustration de l’artiste letton, qui a été traduite sous forme de plan, prototypée puis déclinée en plusieurs exemplaires, mais que la dimension de l’esquisse était très petite — environ neuf par treize centimètres —, et ne comportait aucune indication de mesure ou de matière. Plus encore, il s’agissait d’une photographie de l’esquisse originale dessinée par Klutsis. Enfin, la structure des kiosques fut légèrement modifiée pour permettre une correcte rotation de leurs panneaux par les visiteurs de l’exposition. Cette libre adaptation distancie le dessin original des modèles finaux — contrairement à ce qui se passera pour la réalisation de la Tour Tatline, davantage documentée. À mi-chemin entre la reconstitution d’un projet (le catalogue attribue bien leur origine à Klutsis20) et l’adaptation plus libre d’un simple dispositif de display (leur caractère rotatif), les kiosques ont un statut ambigu.
Si l’on considère la vocation narrative de Paris-Moscou, cette différence scénographique pourrait aussi dépendre de la possible relation historique de ces objets avec le contexte révolutionnaire. En effet, aussi aboutie que soit la maquette du Monument à la Troisième-internationale, elle n’en demeure pas moins la reconstitution d’un projet architectural issu d’une commande : une production utilitaire, vouée à remplir une fonction, un usage, à l’adresse de son commanditaire, le parti communiste. Elle est pourtant mise en scène de telle sorte que le visiteur pourrait en venir à la confondre avec une authentique œuvre d’art, produite de la main d’un artiste en son temps, si n’était pas précisé sur son socle « Modèle du Monument à la Troisième Internationale 1919 » (Fig. 3), tandis que les kiosques sont agencés dans l’espace d’exposition comme le sont certaines vitrines le long de l’allée centrale qui prolonge la place (Fig. 4). C’est que la Tour Tatline fut en son temps un véritable symbole des idéologies révolutionnaires : éternellement restée à l’état de projet, elle a été utilisée comme une figure forte afin de porter des idéaux nouveaux. On a directement transformé sa fonction utilitaire, comme bâtiment, en une fonction d’ordre conceptuel et symbolique, afin de symboliser les idéaux soutenus par le parti communiste. À l’inverse, que les kiosques aient été réalisés par Klutsis en son temps ou non, il semble par leur titre et leur structure qu’ils étaient destinés à une fonction purement utilitaire, et partagée par d’autres objets similaires : celle de présentoir à affiches. Si l’on compare le statut de la Tour Tatline dans le contexte de la révolution, à celui des kiosques, on s’aperçoit qu’elle se rapproche finalement de l’œuvre d’art dans la fonction qui a véritablement été la sienne, tandis que les kiosques se rapportent davantage à une classe d’objets intégrant le quotidien populaire dans le cadre de la propagande, et qu’ils relèveraient davantage du vernaculaire.
Or Paris-Moscou souhaite mettre en relief par le biais de son corpus d’œuvres et de sa scénographie un certain regard sur une période de l’histoire. Ainsi la mise en scène des kiosques doit-elle user de leurs attributs formels mais aussi des faits historiques spécifiques que l’exposition peut raconter au visiteur par leur biais. Le rôle du dispositif de présentation d’un expôt est aussi de permettre au public de comprendre la nature et le statut de l’objet qu’ils regardent. Dans cette idée, le prestige accordé au modèle de l’œuvre de Vladimir Tatline n’est pas anodin dans la trame narrative suivie par l’exposition : il vient indiquer au visiteur qu’elle est un élément d’illustration capital au cœur du récit. D’un autre coté, en choisissant d’utiliser les kiosques, dont la structure est manifestement d’inspiration constructiviste, pour disposer des affiches au sein du parcours de Paris-Moscou, sans user d’une mise en valeur particulière autre que leur disposition autour d’une place ou auprès d’une cimaise (Fig. 4 et Fig. 5), les acteurs de l’exposition utilisent ces derniers comme des objets qui se fondent dans le décor inhérent au récit de l’exposition et viennent participer à la mise en place de son ambiance. La présence répétée des kiosques au sein du parcours de Paris-Moscou indique implicitement au visiteur qu’ils ne sont pas une production unique et emblématique au sein de l’univers référent de l’exposition. Mais elle suggère aussi qu’ils ont eu une certaine forme d’importance dans un des aspects du quotidien révolutionnaire soviétique.
Structurer une temporalité
Comme le montre le plan de l’exposition21 (Fig. 6), les kiosques sont disposés le long de la trame chronologique suivie par Paris-Moscou à partir d’une salle en particulier. Ces derniers, par leur répartition au sein du parcours historique de l’exposition, guideraient-ils le visiteur en lui indiquant quelque chose de la temporalité des événements ayant constitué la période révolutionnaire russe ?
En effet, dans le cas des expositions thématiques comme Paris-Moscou, qui ne portent pas sur un corpus d’œuvres en particulier mais incarnent un certain nombre d’idées par la mise en place d’un discours narratif, le visiteur arrive dans l’espace muséal en terrain inconnu. Il ne sait pas encore vraiment ce qui va lui être donné à voir, et surtout pourquoi et dans quel sens. Il est nécessaire pour lui d’être dans la capacité de faire le lien entre le monde réel, duquel provient l’ensemble des objets du corpus d’œuvre et auquel il peut se référer sans ambiguïté, et le monde fictionnel construit par l’exposition, qui lui se base sur ce même ensemble d’éléments, mais mis en scène par leur scénographie, à mi-chemin donc entre ce qu’ils peuvent véhiculer comme sens du monde réel et de l’espace fictionnel mis en place par l’exposition. Ainsi, afin de s’orienter dans ce nouvel espace, le visiteur va donc procéder à un travail de réadaptation sémantique : c’est-à-dire qu’il va essayer de donner du sens à ce qu’il voit en se servant des repères offerts par la scénographie de l’exposition.
Le lieu d’apparition des kiosques est la place agitprop, qui symbolise l’année de la révolution. Cette dernière joue un rôle particulièrement important dans le déroulement narratif de Paris- Moscou. En effet, l’exposition désigne la révolution, et plus particulièrement l’année 191722, comme un moment clé dans l’espace de sa chronologie. L’emplacement de la place agitprop au centre de la grande allée sépare d’ailleurs très nettement les années 1900-1917 des années postrévolutionnaires23. Les kiosques sont ensuite situés au croisement de la révolution et de son incarnation postrévolutionnaire, comme marqueur d’une transition entre un instant clé et l’exposé de ses conséquences au sein de la vie sociale et culturelle. Enfin, un dernier exemplaire conclut cette période fortement marquée par l’agitprop, comme rappel de l’origine de cette influence (Fig. 7).
C’est que la production pour l’art de propagande révolutionnaire ne correspond pas à un instant qui serait fixé dans le temps ou à une date extrêmement précise. Elle naît pour porter les idéaux sociaux, politiques et même philosophiques de la révolution et se poursuit au moins jusqu’à l’émergence de la dictature stalinienne. La majorité des productions postrévolutionnaires sont marquées par les bouleversements sociaux et artistiques issus de la révolution et portent sur elles la marque de l’agitprop. Dans les notices de la réédition du catalogue24 le « présentoir à affiches » attribué à Gustav Klutsis n’est d’ailleurs pas assigné à la partie agitprop, mais à la section « Arts Appliqués et objets utilitaires 1917-1930 ». C’est un indice supplémentaire sur l’étendue de l’agitprop dans le cadre de vie postrévolutionnaire. Plus encore, le titre de la section face à laquelle se situe le dernier kiosque, « Révolution dans l’art et le cadre de vie25 » explicite habilement la nature de ces productions : il s’agit bien d’une révolution, incarnée dans la vie courante par les objets eux-mêmes.
Ainsi les kiosques, au plus proche des idéaux révolutionnaires illustrés par leurs sections, octroient-ils au visiteur un repère plus évident dans l’espace muséal. Mais ce repère aurait-il été efficient si les kiosques choisis pour être reconstitués avaient été différents ?
Fonction agitpropienne ?
Le dessin de Klutsis n’a pas été choisi par hasard. En effet, il n’était pas le seul artiste recensé pour Paris-Moscou à avoir produit des esquisses de kiosques destinés à accueillir des affiches de propagande révolutionnaire26. Mais c’était lui-même un fervent partisan des idéologies qui ont marqué la production populaire et artistique révolutionnaire. La foi qu’il vouait à ces dernières était intense : il produisit un nombre conséquent de projets utilitaires agitprop comme un kiosque à radio présenté dans le catalogue de l’exposition et dont la structure rappelle vaguement celle des panneaux présents sur les kiosques à affiches27, ou encore plusieurs projets de centres de propagande exposés dans Paris-Moscou. Or, il s’agissait pour les commissaires de l’exposition de trouver des dispositifs originaux pour montrer la quantité d’affiches à leur disposition, qui s’inscrivent dans le thème de l’exposition tout en permettant de raconter au visiteur des détails du contexte.
Dans cette idée, le mode de disposition des kiosques dans l’espace et leur mode d’utilisation offrent au visiteur une expérience perceptive particulière et l’invitent à participer lui-même à la construction de sens de l’exposition. En effet, l’ergonomie des kiosques permet de les disposer le long des cimaises de l’exposition. Or la longue allée qui structure Paris-Moscou, de la section Arts Plastiques jusqu’à la fin des sections postrévolutionnaires, tente de redessiner les contours de la rue moscovite. Dans ce contexte, en permettant aux visiteurs de l’exposition de manipuler les panneaux des kiosques où sont disposées les affiches, les acteurs de l’exposition placent ces présentoirs comme un mobilier à disposition de la masse, ici celle des visiteurs de l’exposition. Les kiosques ainsi placés au cœur du parcours de Paris-Moscou redonnent alors aux affiches un ersatz de leur place originelle. C’est qu’à l’époque de la révolution russe, la propagande fait partie du quotidien populaire : par son dynamisme et sa forme accessible à tous, l’affiche devient l’un des nombreux supports dédiés à la diffusion de la propagande au sein de la société, mais aussi le reflet des nouveaux idéaux artistiques nourris par les enjeux de la révolution. Enfin, cette invitation à rendre actif le visiteur au sein de l’exposition semble aussi faire écho aux recherches débutées par certains artistes de l’avant-garde russe à l’époque même de la révolution, notamment au travail scénographique de Lissitzky, ce dernier considérant l’espace comme n’existant qu’au travers du regard du visiteur et par cela, nécessitant d’être parcouru et vécu par lui, la disposition d’objets sur son parcours l’invitant à se déplacer et créant ainsi une dynamique de perception, une relation, entre le spectateur et les objets.
La mobilité des kiosques et le type d’objets auxquels ils servent d’accroche ne sont cependant pas les seuls indices donnés au visiteur: l’esthétique même de ces derniers, clairement constructiviste, donne à voir le jeu des influences entre les pratiques qui se développaient chez les artistes et la façon dont les problématiques sociales influaient sur l’univers de l’art. En effet, le constructivisme considère notamment que dans la nouvelle société, l’artiste doit inscrire l’art dans la vie en créant des objets pour elle. Dans cette même idée, la présentation anonyme des kiosques rejoint l’esprit avec lequel étaient conçus les projets agitprop : une quantité produite pour la masse, pétrie des conceptions sociales collectives, et non pas pour l’expression d’un artiste en particulier. Ainsi la scénographie permet-elle aux kiosques de refléter, dans la fonction qui leur est assignée et la mise en scène qui leur est accordée, les préoccupations sociales du prolétariat communiste soviétique dans l’idée d’une production pour le plus grand nombre, un art « descendu dans la rue28 ». Ils suggèrent alors au visiteur l’implication spectaculaire des arts dans le développement de la propagande révolutionnaire au sein de la vie quotidienne.
Il apparaît plus nettement que les kiosques de Paris-Moscou ne sont pas tout à fait des dispositifs de présentation dans l’idée des cimaises blanches et neutres utilisées pour les parties Arts Plastiques de l’exposition29, mais des simulacres de la façon dont étaient envisagés les projets agitprop au sein de la Russie des années 1917-1930. À ce titre, les affiches exposées sur les kiosques sont d’ailleurs uniquement issues des périodes de la révolution d’Octobre puis postrévolutionnaire. Ces affiches procèdent d’ailleurs elles-mêmes de ce qu’on peut nommer une « révolution graphique », et inscrivent de nouvelles formes visuelles, tant dans leurs structures que dans leurs couleurs, au service de la propagande. Une importante production de photomontages met en scène le futur promis par les idéaux de la révolution. La structuration des éléments disposés sur les affiches, dans un esprit géométrique qui use d’aplats de couleurs vives et de formes simples et porte une attention particulière à l’usage de la typographie, communiquent des messages clairs qui procèdent des codes établis par l’avant-garde (notamment constructiviste) et auxquels l’esthétique des kiosques fait écho. Néanmoins, le discours soutenu par le projet des kiosques à l’époque de leur production par Klutsis ne peut pas être tout à fait conservé, car la période de la révolution est passée. Il s’agit ici d’une reconstitution fabriquée pour être mise au service du point de vue soutenu par l’exposition.
Polysémie, plurifonctionnalité, transformation
Si les kiosques restituent à merveille certains détails réels du contexte couvert par l’exposition, l’effet qu’ils produisent sur le visiteur est dû à un ensemble de décisions muséographiques, que nous avons tâché de décrire. Leur discours en ce sens, apparaît contextuel, et leur construction, le fruit d’une appropriation.
En effet, l’origine de leur reconstitution est une idée de Raymond Guidot30, commissaire de l’exposition pour la partie agitprop, et ingénieur-conseil au CCI. La fabrication des kiosques n’est donc pas une décision guidée par le regard du scénographe de l’exposition, Jacques Lichnerowicz, mais par le point de vue interne de l’une des institutions du Centre, le CCI, et de Raymond Guidot, en particulier. Son profil explique peut-être en partie ce choix de passer par la reconstitution : ingénieur de formation, Guidot est issu d’un milieu professionnel qui influence sa façon d’envisager les objets utilitaires et de porter intérêt aux mécanismes permettant leur usage. Le regard porté par Guidot sur ces kiosques, l’idée qu’ils lui donnent d’instrumenter leur fonction au service du large panel d’affiches de Paris-Moscou, est donc sans aucun doute nourri par son expertise professionnelle, qui lui donne un autre regard sur les objets.
Ainsi, c’est en considérant le message historique que Paris-Moscou souhaitait véhiculer que Raymond Guidot fait en sorte de donner à voir les desseins qui ont amené Klutsis à dessiner ce mobilier. Aussi, au cœur de l’exposition, les kiosques ne servent-ils pas à soutenir l’idéologie communiste, mais bien à montrer au visiteur qu’à une époque donnée, la révolution a poussé des artistes à réfléchir des dispositifs au service de la propagande. Dans cette idée, il faut noter que les kiosques réellement réalisés en Russie soviétique au temps de la révolution ne ressemblent pas à ceux de Klutsis (Fig. 8). Les kiosques sont mis au service de Paris-Moscou qui consacre d’un point de vue historique la révolution comme élément moteur des mouvements novateurs.
Ces reconstitutions de kiosques sont finalement le résultat de la transformation d’un projet artistique, puisque d’une photographie d’esquisse extrêmement imprécise, Guidot va jusqu’à faire modifier leur plan. Pour cela, il contacte Jean- Luc Heymann31, qui à l’aide du plan et d’une axonométrie réalisée sur la base de l’esquisse, par son ami architecte Frédéric Bekas, réalise un premier modèle de kiosque. En assurant la correcte rotation de leurs panneaux, Guidot prend donc la liberté d’agir sur le dessin original de Klutsis pour permettre aux kiosques d’être manipulés par le public. Il adopte ainsi les kiosques aux usages de l’exposition, mais plus largement encore à l’espace de l’institution muséale du Centre Pompidou. Ils seront d’ailleurs conservés pendant quelques temps et réutilisés comme présentoir à affiche dans le hall du musée. Mais les productions auxquelles ils serviront de système d’accrochage n’auront plus aucun lien avec le projet original des kiosques, ni même celui des commissaires à l’initiative de leur reconstitution.
Ainsi, si ces reconstitutions, envisagées à mi-chemin du dispositif de présentation et de l’expôt, incarnent correctement le discours pour lequel ils ont du sens au cœur de Paris-Moscou, ils sont polysémiques et polyfonctionnels. Ils ne véhiculeraient pas le même message dans une autre exposition ou au sein d’une trame narrative différente. On peut imaginer par exemple une exposition qui se consacrerait à l’œuvre de Gustave Klutsis. Les kiosques reconstitués y auraient peut-être été présentés sur un socle ou dans une vitrine, associé à un texte informatif. Plus encore, sans Paris-Moscou et l’idée de Guidot, ce projet aux dimensions modestes, n’eut jamais eu le privilège d’être construit.
Tout ambigu qu’il soit, le statut des kiosques est resté celui d’accessoire scénographique. Le Centre finira d’ailleurs par jeter ces derniers, faute de place.
Bien que la seconde édition du catalogue leur accorde une courte notice d’œuvre, ces reconstitutions, semble-t-il, ne seront jamais vraiment envisagées comme la restitution d’une œuvre originale, mais davantage comme des dispositifs de présentations avec une origine et une esthétique justifiant néanmoins leur place hybride — ni totalement œuvre, ni simple cimaise —, attestant ainsi de leur statut particulier au cœur des collections. Toutefois, à travers eux, on peut lire l’exposition Paris-Moscou comme un véritable processus créatif, attestant du rôle déterminant des commissaires et scénographes de l’exposition, et assurant la cohérence du parcours, et, par corrélation, sa bonne réception. Plus encore, retracer l’histoire de ces kiosques permet de témoigner des opérations de constructions et de transformations parfois mises en œuvre par l’institution sur certains objets. Leur réalisation témoigne à sa façon de l’ingéniosité des types de productions muséales que peut créer une époque, par sa façon d’envisager la muséographie et plus largement les objets qui s’y rapportent.
Au regard de ce qui serait presque la norme aujourd’hui, il apparaît plus évident, compte tenu de son caractère novateur en 1979, que l’exposition ait marqué un tournant dans la muséologie de l’époque.
Un nouveau regard porté sur ces objets
La récente réexposition de certains expôts de Paris-Moscou, dans le cadre de l’événement « Politiques de l’Art » au sein de la Galerie d’Art Moderne du Centre Georges Pompidou est l’occasion de porter un autre regard sur ces mêmes objets. En effet, à présent extraits du discours porté par l’exposition de 1979, leur nouvelle disposition les inscrits dans un contexte différent qui raconte au visiteur une autre parcelle de l’histoire de l’art. Ce nouvel agencement témoigne sans aucun doute lui aussi du point de vue porté aujourd’hui par le Centre sur cet ensemble de production, et de la façon dont il envisage, aujourd’hui, de communiquer, dans son esprit, ce dernier à ses visiteurs.
Les différents types de productions sont séparés dans les couloirs qui segmentent les différentes salles de l’étage, où est exposée de façon chronologique l’évolution des mouvements artistiques qui ont constitué la modernité. Le mélange des genres n’est plus, et la trame chronologique de l’étage tout entier ne retrace plus l’histoire d’une société et de sa culture à un instant donné, mais se concentre sur l’histoire de l’art moderne de façon globale, restituant ses influences mondiales à travers les œuvres des peintres emblématiques de leur époque. De ce fait, les couloirs où se situent les expôts de * Paris-Moscou* se placent comme de véritables incises au cœur d’un récit d’histoire de l’art. La cacophonie révolutionnaire s’est tue pour laisser place à de petits passages où s’impose, dans des vitrines anonymes, l’objet muséalisé en dehors de l’espace de la société. La dimension populaire et démocratisante semble ici s’effacer peu à peu en redessinant plus nettement les frontières entre l’espace muséal et le monde réel.
Bien entendu, des cartels sous verres continuent de documenter un art qui ne saurait trop s’éloigner des préoccupations sociales qui l’ont poussé vers certaines directions. Après tout, cette réexposition s’inscrit dans un projet d’exposition-dossier qui cherche, plus globalement, à montrer les façons dont les artistes ont pu se saisir des questions politiques en leur temps. Mais pour figurer cette implication, la tentative de restitution de la rue populaire ou l’agencement des vitrines directement inspirées des magasins russes vidés durant la guerre n’existent plus. Les expôts semblent alors devoir parler pour eux-mêmes.
Par une rigoureuse enquête historiographique, nous sommes finalement parvenus à retracer l’histoire de la fabrication des kiosques et à conclure pour ces derniers que leur rôle de dispositif de présentation ne suffit pas à définir leur statut et la place qu’ils occupent au sein de l’exposition. Il s’est alors agi de restituer, par le biais de l’histoire des kiosques, la réflexion complexe qui intègre ce type d’objet, reconstitutions transformées par les décisions commissariales, à l’espace muséal et s’intéresser aux effets réciproques que ces derniers produisent l’un sur l’autre. Il a été nécessaire pour ce faire de consulter une large partie des archives du Centre Pompidou concernant Paris-Moscou : tant celles issues du CCI que celles issues du Musée d’Art moderne. Il a aussi été nécessaire d’interroger certains acteurs contemporains de l’exposition, afin d’obtenir à travers leurs témoignages des détails et anecdotes souvent exclues des écrits produits pour le catalogue. La multiplicité des sources primaires et secondaires conservées au Centre à propos de Paris-Moscou témoigne autant de son importance pour le Centre et le public, que de la réelle complexité des étapes de construction d’une exposition. Les kiosques, dans ce contexte, apparaissent comme un indice supplémentaire de l’ingéniosité et des efforts déployés par les acteurs du Centre.
Bibliographie
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Paris-Moscou, 1900-1930, [Cat. expo] [1979]. Paris : Éditions du Centre Pompidou, Éditions Gallimard, 1991.
Sites web
IMBERT, Clémence. Les accrochages de l’affiche dans Paris-Berlin et Paris-Moscou, 2013. http://histoiredesexpos.hypotheses.org/894 (page consultée le 18 décembre 2016).
LEMAITRE, Christophe.La vie et la mort des œuvres d’art, 2015. http://tablesdetravail.hypotheses.org/1224 (page consultée le 10 décembre 2016).
MCGLINCHEY, Chris. A Critical Look: How Science Cast Doubt on a Sculpture Attributed to Gustav Klutsis, 2016. https://stories.moma.org/a-critical-look-how-science-cast-doubt-on-a-sculpture-attributed-to-gustav-klutsis-f750dcd77b36#.oxsvm5gsz (page consultée le 10 décembre 2017)
Archives consultées
Catalogue Paris-Moscou, 1900-1930. Paris : Éditions du Centre Pompidou, Éditions Gallimard, 1979
Petit Journal, (« Paris-Moscou 1900-1930 »), Centre George Pompidou, 1979, [2006W060 1] Présentation chronologique détaillée pour l’exposition Paris-Moscou, [2006W060 1] Déclarations des dirigeants communistes sur la politique culturelle en 1920 – 1921 [2006W060 1] Textes élaborés par les instances soviétiques sur la politique culturelle en 1918 [2006W060 1]
Les grandes lignes de « Paris-Moscou » par Pontus Hulten, le 02/02/79 (4p.), [1992 053 29] Lettre — Arts, 7 juin 1979, « Les agents du KGB au Centre Pompidou », Stanislas Zadora [1992 053 29] Témoignage sur la manifestation à l’intérieur de Paris-Moscou, [1992 021 001]
A.A. Strigalev : Programme général pour la section d’Agit-Prop de l’exposition « PARIS-MOSCOU », [94033/133]
Moscou-Paris, « La construction de l’utopie photomontages en union soviétique, 1919-42 », [2006W060 1]
CCI, Agit-Prop Listes, AGIT-PROP SOVIÉTIQUE, [1992W022 119] CCI, Affiches-illustrations Listes, [1992W022 119] CCI, Design Soviétique, Liste objet reproductions [1992W022 119] CCI, Design Soviétique, Liste objet section Design (non definitive) [1992W022 119]
Plans vitrines Paris-Moscou [2003W038 4]
Lettre contrat 5954, [94033/129] Lettre contrat 1468, [94033/129]
Notamment politiques : en 1979 le régime de l’URSS est toujours en place et une partie de la population française voit d’un très mauvais œil la coopération du Centre avec les Russes. Un entretien avec Jacqueline Costa, commissaire pour Paris-Moscou , souligne l’intérêt de Giscard d’Estaing pour l’exposition dans le but de nouer de bonnes relations avec l’URSS.↩︎
Il s’agissait en créant le Centre Georges Pompidou d’édifier une institution culturelle d’un genre nouveau. Dédiée à la création moderne et contemporaine, la pluridisciplinarité de l’institution permettrait de faire se côtoyer le champ traditionnel des arts plastiques avec ceux du design, de la musique, du livre et du cinéma. Dans le catalogue Paris-Moscou 1900-1930, Jean Millier, président du Centre, explique au sujet de Paris-Moscou que, « [l’]approche globale de cette présentation, [répond] à la vocation interdisciplinaire du Centre Georges Pompidou, […] ». Jean MILLIER. Préface, in Paris-Moscou, 1900-1930 [1979], [Cat. Expo.]. Paris : Éditions du Centre Georges Pompidou / Éditions Gallimard, 1991, Préface.↩︎
Cette approche débute avec l’exposition Paris-Berlin en 1978, second volet de la série des Paris .↩︎
« Le premier tiers du XXe siècle est riche en événements exceptionnels par leur signification : […] l’événement historique le plus important du XX^e siècle, la grande révolution socialiste d’Octobre et la formation du premier État socialiste dans l’histoire de l’humanité. Ces évènements ont eu une influence immédiate et active sur l’évolution des idéaux sociaux et sur la culture artistique des deux pays. » Alexandre KHALTOURINE. « L’exposition Paris-Moscou », in Paris-Moscou, 1900-1930, op. cit. , p. 8-10.↩︎
Il s’agit de petits espaces formés par deux cimaises et un socle qui rassemblent mobiliers, objets et mannequins habillés de costumes d’époques. Certaines vues de ces espaces sont consultables dans l’article de Clémence IMBERT, « Les accrochages de l’affiche dans Paris-Berlin et Paris- Moscou », blog, Carnet de recherche du catalogue raisonné des exposition du Centre Pompidou, 8 avril 2013. <http:// histoiredesexpos.hypotheses.org/894> (consulté le 18 décembre 2016).↩︎
Ibidem.↩︎
Expôt ou exponat : concept désignant tous les objets au sens large, incluant donc les matériaux visuels, sonores, tactiles ou olfactifs, susceptibles d’être porteurs de sens dans le cadre de l’exposition. Voir Marc-Olivier GONSETH. « L’Illusion muséale », in GHK (eds.)La Grande illusion. Neuchâtel : Musée d’Ethnographie, 2000, p. 157.↩︎
Il y a eu une série de trois expositions : Paris-New-York, en 1977, dès l’année d’ouverture du Centre au public, Paris-Berlin en 1978 et enfin Paris-Moscou en 1979. En 1981 se tient finalement Paris-Paris qui peut être perçue comme un épilogue, point d’exclamation final, à ce triptyque mémorable.↩︎
Jean MILLIER. art. cit. ↩︎
C’est-à-dire qu’on ne sait pas encore s’ils sont conçus comme des dispositifs de présentation ou comme des œuvres réalisées de la main d’un artiste que les concepteurs de l’exposition ont détournée de leur fonction première (une œuvre non utilitaire devenue utilitaire), ou encore des reconstitutions d’une œuvre indisponible ou des maquettes d’une œuvre jamais réalisée.↩︎
Elle est aussi chargée de projet en exposition pour plusieurs institutions, notamment au Musée international de la Croix- Rouge et du Croissant-Rouge de Genève. Elle est aussi à l’origine de Museums, la revue suisse des musées éditée par l’AMS et ICOM Suisse.↩︎
Sandra SUNIER. « Le scénario d’une exposition », in Publics et Musées, n°11-12, « Marketing et Musée », 1997, p. 196.↩︎
Bernard CLément, cité dans Jean-François BARBIER-BOUVET. Histoire d’expo : un thème, un lieu, un parcours. Paris : CCI, Centre Georges Pompidou, 1983, p.38 [également cité dans Sandra SUNIER, op. cit. p. 196].↩︎
Plus largement, l’agitprop désigne l’ensemble des tendances artistiques et sociales qui s’organisèrent autour et pour la révolution de 1917.↩︎
Nom donné à un type d’affiches lithographiées diffusées entre 1919 et 1922 par la société télégraphique ROSTA. Notamment support de propagande révolutionnaire, elles mêlent textes et images afin d’être comprises par la masse illettrée, et sont inspirées de l’esthétique des images d’Épinal russes (Louboks). voir. « Larionov et Gontcharova », in La Grande Encyclopédie Larousse, 1971-1976, p.7835.↩︎
Clémence IMBERT, art. cit.↩︎
L’œuvre d’art est une production artistique sans aucun autre but qu’elle-même, et qui a été reconnue comme telle par un certain nombre d’acteurs (institution, culture…). L’essentiel ici est de retenir qu’une œuvre d’art n’est pas produite dans l’idée de correspondre à un usage pratique, comme c’est le cas des productions en art appliqué et donc du mobilier (partie du design).↩︎
La Tour Tatline est un projet d’architecture monumentale constructiviste, commandé par le parti communiste. Elle devait symboliser, par son esthétique et la technique employée, la culture prolétarienne propre aux valeurs du parti. Finalement jamais réalisée, elle est pourtant considérée comme un chef d’œuvre constructiviste.↩︎
Coll., Paris-Moscou, 1900-1930, op. cit., p. 537.↩︎
Ibid., p. 577.↩︎
Le plan a été personnellement annoté suite à l’observation des vues de l’exposition réalisées par Jacques Faujour. Leur nombre a été déterminé en rapport avec les lettres-contrats consultées aux archives pour la réalisation des cinq exemplaires du kiosque (voir la note 26).↩︎
Il s’agit de l’année de la révolution d’Octobre qui selon Lénine marque le début de la première révolution socialiste mondiale. cf « Agitprop, art de propagande révolutionnaire », Petit Journal, (« Paris-Moscou 1900-1930 »), Centre George Pompidou, 1979, p. 10.↩︎
Cette scission capitale se reflète jusque dans le catalogue, où les notices des œuvres distinguent l’architecture produite avant ou après 1917, et fait de même pour les affiches, ou encore la production d’art appliqué et d’objets utilitaires.↩︎
Dans la réédition, le « présentoir à affiches » a finalement sa propre notice, tandis que la liste énumérant les reconstitutions réalisées pour l’exposition a disparu.↩︎
Voir fig. 2 et fig. 6 . Plan de l’exposition, section 5 : « Révolution dans l’art et le cadre de vie ».↩︎
Les « kiosques de propagandes » sont cités dans une partie commune avec les peintures murales et les décors de ville. Voir A. A. STRIGALEV : Programme général pour la section d’agitprop de l’exposition Paris-Moscou, archive : 94033/133.↩︎
Coll., Paris-Moscou, 1900-1930, op. cit. , p. 344.↩︎
« Agitprop, art de propagande révolutionnaire », op. cit., p. 10.↩︎
Les cimaises blanches sont volontairement neutres formellement et esthétiquement car « […] un support doit se faire oublier, et interférer le moins possible visuellement avec l’objet. ». Ce n’est pas le cas des présentoirs d’affiches comme cherche à le démontrer ce paragraphe. Anne VILLARD, « Le socle et l’objet », La Lettre de l’OCIM, n°87, 2003, p. 3-8.↩︎
Raymond Guidot était commissaire de la partie française pour les sections Arts Appliqués et Objets Utilitaires, Architecture Urbanisme, agitprop et affiche. Voir Paris-Moscou, 1900-1930, op. cit. .↩︎
À l’époque, Jean-Luc Heymann travaille pour l’Agence de Turenne à Paris, et le centre le désigne comme créateur en architecture intérieure. Son rôle est en fait celui d’un réalisateur, qui fabriquera chacun des kiosques sur les plans de son ami Frédéric Bekas.↩︎