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Le moment radical… et ensuite ?

Présentation de l’entretien avec Andrea Branzi

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Dans cette retranscription d’un entretien filmé à Milan en 2018, Andrea Branzi (1938-) revient sur les dimensions historiques postérieures à 1972 et 1973 ( Italy New Domestic Landscape et la Triennale) qui marquent la fin du moment radical en Italie. Il évoque en particulier les conséquences de cette période et de cette réflexion sous cinq angles. D’une part les antagonismes avec la Tendenza ou les théoriciens issus de l’école d’Ulm, les évolutions des relations entre le champs disciplinaire de la conception des produits et l’industrie, les transformations des perceptions dans la ville informationnelle nous permettent de saisir certains objectifs concrets des radicaux. De l’autre le designer revient sur la postérité de « No-Stop-City » et le rapport du design à l’histoire et son propre rappart à cette dernière. Présentation de l’entretien avec Andrea Branzi.

Voir l’entretien avec Andrea Branzi « Le moment radical… et ensuite ? ».

L’intérêt de cet entretien est d’aborder – ce qui n’est pas fréquent en France – la période qui suit le moment radical avec un de ses principaux acteurs, Andrea Branzi. D’une certaine manière l’émergence aux yeux du grand public et du public international du mouvement radical à New York en 1972, lors de l’exposition Italy New Domestic Landscape. Problems and Achievements of Italian Design dont Emilio Ambasz est le commissaire, est aussi un des signes que cette période féconde pour le design italien touche à sa fin expérimentale et manifeste.

Dans cette conversation le designer et historiographe du design italien tente d’expliquer quelles ont été les « conclusions » du moment radical et la façon dont les designers qui en avaient été les acteurs essayent d’en dresser des conséquences applicables, utilisables et ré-injectables dans la réflexion également économique et non plus seulement politique.

Andrea Branzi revient également sur un projet précis et phare auquel il participa : No-Stop City. Ce projet d’Archizoom, déroulé sur trois années (1969-1972), tient une place particulière dans les manifestations de la pensée radicale. Publié pour la première fois en 1970 avec pour sous-titre complet : Ville chaîne de montage du social, idéologie et théorie de la métropole, c’est un outil conceptuel basé, pour les designers, sur une réalité en cours. Il décrit le modèle d’une ville sans qualité traversée par le flux des réseaux technologiques et des marchés, et où toute valeur symbolique historiquement portée par l’architecture est abolie. Ce modèle infini et neutre, catatonique, à l’extérieur duquel il ne peut y avoir ni communication, ni signification, est soumis au flux ininterrompu de l’information et des services.

On pouvait déjà, en 1967, lire ces lignes dans le Manifeste commun d’Archizoom et Superstudio : « La superarchitecture est l’architecture de la superproduction, de la superconsommation, de la super induction à la consommation, du supermarket, du superman et du supercarburant. Les mythes de la société prennent forme dans les images que la société produit. […] LA SUPERARCHITECTURE accepte la logique de la production et de la consommation, en exerçant une action démystifiante1 ».

Andrea Branzi, né en 1938, est, avec Ettore Sottsass Jr (1917-2007) et Alessandro Mendini (1931-2019), l’une des figures tutélaires du design italien de la seconde partie du xxe siècle. Il a mené une carrière où alternent activités de production théorique et réalisations plastiques/artistiques. Il fut l’un des membres fondateurs d’Archizoom (1966-1974) qui rassembla de jeunes architectes et émergea en même temps qu’un autre groupe, Superstudio (1966-1982), lors de l’exposition Superarchittetura tenue à Florence en 1966. Ces groupes florentins, devançant Milan – lieu central des affaires, de l’industrie et du design italien –, animeront le moment dit « radical » par des questions nouvelles posées à la modernité architecturale, doublées d’une réflexion politique sur l’aménagement des territoires et sur la place du design dans la société de consommation. Théoricien dès lors reconnu, Andrea Branzi publie dans Casabella de courts textes polémiques connus sous le nom de « Radical Notes » entre 1972 et 19762. Il appartiendra également aux groupes Alchimia (1976-1992) et Memphis (1980-1988), et sera, pendant une dizaine d’années, le directeur culturel d’une école privée originale, la Domus Academy.

Cet entretien a été réalisé à Milan en avril 2018 alors qu’Andrea Branzi travaillait à rassembler, pour la parution de l’ouvrage-somme E=mc2. The Project in the Age of Relativity (2020)3, l’ensemble de ses travaux théoriques, entamés dès 1965 avec une thèse à la faculté d’architecture de Florence – où il eut, entre autres, pour professeur Leonardo Benovolo, historien et théoricien de l’architecture.

Une partie de cet entretien a d’abord été publié dans le numéro double de Critique « Archi-Design » (891-892, août-septembre 2021) dirigé par Élie Düring et Claire Brunet (Paris : Minuit, p. 653-664).